Le gouvernement ivoirien a récemment annoncé une réduction des tarifs des péages de Singrobo et Attingué sur l’autoroute du Nord. Si cette mesure est saluée par les automobilistes, elle pose des questions sur la soutenabilité financière de l’entretien de l’autoroute et la capacité du Fonds d’Entretien Routier (FER) à maintenir le réseau en bon état.
Une décision en faveur du pouvoir d’achat
Cette réduction répond à une demande croissante des usagers qui jugent les tarifs autoroutiers élevés, en particulier pour les trajets réguliers. Cette mesure vise à stimuler l’utilisation de l’autoroute et à faciliter les déplacements entre la capitale économique et l’intérieur du pays.
Un modèle économique sous pression
En 2023, l’autoroute du Nord a généré un chiffre d’affaires de 19,95 milliards FCFA, contribuant au financement des opérations d’entretien et de réhabilitation du réseau routier.
Cependant, les charges d’exploitation de l’infrastructure restent lourdes. Le résultat d’exploitation, qui reflète la rentabilité nette après amortissements et charges diverses, s’établit à -1,28 milliard FCFA.
Ce déficit d’exploitation soulève des questions sur la viabilité économique du modèle actuel et sur la capacité du FER à maintenir les infrastructures en bon état sans ajustements budgétaires supplémentaires.
Une hausse du trafic comme levier de compensation
Les autorités misent sur un effet volume : en rendant l’autoroute plus attractive, elles espèrent une augmentation significative du trafic.
En 2023, le trafic a été de :
7,53 millions de véhicules (contre 7,39 millions en 2022, soit +2 %). En outre, 47,2 % du trafic annuel est constitué de véhicules légers, principaux bénéficiaires de la baisse tarifaire.
Mais cette dynamique suffira-t-elle à compenser la perte de revenus unitaires ? Une croissance modérée du trafic pourrait ne pas être suffisante pour garantir l’équilibre financier.
Quels impacts sur l’entretien de l’autoroute ?
L’autoroute du Nord a bénéficié d’investissements majeurs, dont 22,3 milliards FCFA pour la réhabilitation de la section Gesco-Attingué.
Toute diminution prolongée des recettes pourrait ralentir :
🔹 Les opérations de maintenance courante (nettoyage, signalisation, réparations)
🔹 Les projets d’amélioration nécessaires pour fluidifier et sécuriser le trafic
Un test grandeur nature pour la politique tarifaire
Cette baisse tarifaire est une expérience grandeur nature sur la relation entre tarification, usage et rentabilité.
Si elle génère une augmentation marquée du trafic, elle pourrait être répliquée sur d’autres axes. Mais si les recettes s’effondrent, des révisions tarifaires à la hausse pourraient être envisagées pour garantir la soutenabilité du modèle économique.