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Economie

Services, digital, logistique : l’Afrique face au nouveau découplage du commerce mondial

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Alors que le commerce mondial des marchandises s’essouffle sous l’effet des tensions tarifaires, les services résistent mieux. Mais l’Afrique subsaharienne, encore marginalisée dans les chaînes de valeur numériques, accuse un net retard dans cette recomposition commerciale où se joue une part croissante de la compétitivité future.

Selon les dernières prévisions publiées par l’OMC le 16 avril, les échanges de marchandises devraient se contracter de 0,2 % en 2025, en raison de la remontée des tensions commerciales – notamment entre les États-Unis et la Chine – et de la multiplication de mesures tarifaires à portée stratégique. À l’inverse, le commerce des services devrait continuer à croître, à un rythme de +4,0 %, certes en léger ralentissement par rapport aux attentes initiales (+5,1 %), mais bien supérieur à celui des biens.

Dans cette recomposition silencieuse mais décisive, l’Afrique semble à contre-courant. Le continent verrait ses exportations de services reculer de -1,6 % en 2025, une performance en net contraste avec la dynamique asiatique (+4,4 %) et européenne (+5,0 %), pourtant confrontées elles aussi à des vents contraires. La reprise escomptée pour 2026 (+5,3 %) reste incertaine, tant elle dépendra de la capacité à corriger les fragilités structurelles du continent.

Transport, tourisme et logistique : les maillons faibles

En Afrique, le transport et le tourisme – deux des principaux moteurs des services exportés – figurent parmi les plus touchés de la montée du protectionnisme. La baisse des volumes de fret international et la prudence des voyageurs face à l’incertitude macroéconomique pèsent sur les compagnies aériennes, les ports, l’hôtellerie ou encore les guides touristiques.

En 2025, le transport mondial progresserait de seulement +0,5 %, après un solide rebond post-Covid en 2024 (+4,5 %). Mais la performance africaine dans ce domaine reste peu compétitive, du fait de coûts logistiques élevés, d’infrastructures sous-dimensionnées et d’une faible interconnectivité intra-régionale. En parallèle, la reprise du secteur du voyage reste fragile : +2,6 % en 2025 au niveau mondial, mais sans signe de redémarrage significatif pour les destinations africaines, encore pénalisées par des restrictions de connectivité et des perceptions de risque.

L’Afrique en marge du boom des services digitaux

L’autre faille structurelle réside dans l’absence de position affirmée sur les services digitalement livrés, qui constituent pourtant le segment à la plus forte croissance dans le commerce mondial. Ce type de services – allant du cloud computing à l’ingénierie logicielle, en passant par la formation en ligne ou les services professionnels – représentent aujourd’hui près d’un tiers du commerce mondial des services.

En 2026, leur croissance mondiale devrait atteindre +4,7 %, selon l’OMC. En Afrique, cette dynamique reste très inégalement répartie. Si certains pays comme le Rwanda, le Kenya ou le Nigéria émergent timidement comme des hubs tech régionaux, la majorité des économies subsahariennes ne captent qu’une part marginale de cette nouvelle manne commerciale. Les obstacles sont multiples : faible pénétration du haut débit, rareté des talents numériques, cadre réglementaire encore flou ou instable, faible protection des données.

Une intégration à repenser dans les chaînes de valeur mondiales

L’Afrique est aujourd’hui à la croisée des chemins. Alors que la part des services dans le commerce mondial atteint un sommet (26,4 % en 2024), la région reste en retrait dans une économie mondiale de plus en plus “servicielle”. Ce désalignement stratégique pourrait à terme accentuer les déséquilibres structurels, et freiner la montée en gamme industrielle, pourtant essentielle pour répondre aux enjeux démographiques et sociaux.

Le continent pourrait pourtant tirer parti d’un contexte favorable à la relocalisation ou à la diversification des chaînes de valeur. À condition de renforcer rapidement ses capacités logistiques, numériques et humaines, et de mieux articuler ses politiques commerciales régionales avec ses stratégies d’industrialisation.

Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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