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Marc YobouéEn 2024, 35% des Ivoiriens déclarent épargner, un taux élevé pour un pays à revenu intermédiaire. Mais seuls 9% le font dans une banque. Entre défiance, quête de rendement et digitalisation naissante, l’épargne illustre les paradoxes de l’économie ivoirienne.
Selon le Global Findex 2024, plus d’un tiers des adultes ivoiriens (35%) affirment épargner. Rapporté au niveau de revenu du pays, ce taux est significatif : il traduit une volonté forte de constituer une réserve, reflet à la fois de la précarité des revenus et de la pression à sécuriser l’avenir dans une économie encore marquée par l’informel.
Mais la formalisation reste marginale : seuls 9% des adultes épargnent via une banque ou une institution financière. Ce décalage révèle une limite structurelle : la bancarisation progresse mais sans transformer les comportements d’épargne, qui continuent de s’ancrer dans l’informel.
L’explication ne tient pas uniquement à la méfiance envers les banques. Les produits d’épargne disponibles sont souvent faiblement rémunérés : autour de 3,5% HT par an. Or, dans un contexte d’inflation et de pressions familiales constantes, ce rendement apparaît insuffisant.
Les ménages recherchent des produits plus attractifs, souvent en dehors du système bancaire. Le succès d’initiatives comme les placements alternatifs (investissement dans des véhicules VTC, MonHevea) témoigne de cette quête de performance et de flexibilité.
Loin d’être marginales, les tontines et cotisations communautaires constituent un pilier de l’épargne en Côte d’Ivoire. Qu’il s’agisse de mettre de côté une somme chaque mois ou de contribuer aux funérailles, événement social majeur dans le pays, ces mécanismes collectifs offrent flexibilité, confiance et entraide.
Or, les banques comme les fintechs peinent à digitaliser ces usages, faute de produits adaptés à cette logique communautaire. Ce décalage explique pourquoi les ménages préfèrent encore gérer ces fonds en dehors du système formel.
La défiance vis-à-vis des banques ne s’explique pas seulement par des barrières d’accès. Elle tient aussi à la faible performance des produits d’épargne, rémunérés en moyenne autour de 3,5% HT par an. Dans un contexte d’inflation et de fortes obligations familiales, ces rendements sont jugés insuffisants.
De nombreux ménages se tournent vers des placements alternatifs, parfois risqués mais plus rémunérateurs : investissement dans des véhicules VTC, petits projets immobiliers, ou tontines tournantes à haut rendement.
Face à cette demande, de nouveaux acteurs se positionnent.
• Djamo, Wave et Orange Money propose des fonctionnalités d’épargne automatisée et des produits de type “coffre” digital
• MTN propose également des options d’épargne, bien que moins accessibles depuis son application.
Ces services constituent une innovation importante : ils répondent aux usages quotidiens et intègrent l’épargne directement dans les flux financiers digitaux. Mais ils restent pour l’instant non rémunérés ou faiblement rémunérés, et donc perçus comme de simples tirelires plutôt que de véritables produits d’investissement.
Le paysage de l’épargne ivoirienne illustre une transition inachevée. Les ménages épargnent beaucoup, mais privilégient les circuits informels et alternatifs. Les banques, avec leurs taux faibles et leurs conditions strictes, peinent à convaincre. Les fintechs et opérateurs mobiles, eux, séduisent par la simplicité mais doivent encore franchir l’étape de la rémunération et de l’investissement.
Les Ivoiriens épargnent beaucoup, mais hors des banques. Les institutions financières et fintechs devront inventer des solutions capables de combiner confiance, rendement et usages collectifs – du coffre digital aux tontines modernisées – pour capter cette épargne diffuse et la mettre au service de l’économie formelle.
Cet article fait partie du dossier Afriveille :
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