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Entreprises & Marchés

Côte d’Ivoire : l’entrepreneuriat féminin enfermé dans les secteurs de survie

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Près de 60 % des entreprises dirigées par des femmes en Côte d’Ivoire évoluent dans le commerce de détail, les services de proximité ou l’artisanat. Cantonné à des segments à faible valeur ajoutée, ce tissu entrepreneurial peine à accéder aux filières productives et aux instruments de croissance.

En Côte d’Ivoire, seulement 20,4 % des entreprises formelles sont dirigées par des femmes, selon le Répertoire national des entreprises 2024. Ce taux masque une réalité économique plus préoccupante : près de 60 % de ces entreprises féminines opèrent dans des secteurs à faible valeur ajoutée, principalement le commerce de détail, les services de proximité et l’artisanat.

Une domination féminine dans le micro-entrepreneuriat urbain

Parmi les 16 823 entreprises féminines recensées :

  • 60 % exercent dans le commerce (alimentation, bazars, habillement, cosmétique) ;
  • 20 % sont actives dans les services à la personne (restauration, coiffure, ménage, couture) ;
  • Environ 10 à 15 % relèvent de l’artisanat ou de la transformation locale (savons, jus, tissage, fabrication artisanale).

Ces entreprises sont très majoritairement des TPE, employant moins de 5 salariés, avec un chiffre d’affaires annuel inférieur à 30 millions FCFA.

Cette forte concentration, corrélée à une taille très réduite des entreprises (TPE dans plus de 80 % des cas), limite leur contribution à la création de valeur et leur accès aux leviers de croissance : financement bancaire, marchés publics, développement export.

Le cœur du problème ne réside pas uniquement dans le choix sectoriel, mais dans le manque de structuration des activités existantes. La grande majorité de ces entrepreneures n’ont pas encore franchi le cap du “scaling” : elles opèrent à petite échelle, en survie économique, avec des marges faibles et peu de capacité d’investissement.

Des secteurs productifs encore hors d’atteinte

À l’inverse, les secteurs structurants – industrie manufacturière, BTP, logistique, numérique, finance – affichent moins de 5 % de dirigeantes féminines. Cette sous-représentation limite l’intégration des femmes dans les chaînes de valeur à fort impact économique.

Les freins sont connus : besoins en capital plus élevés, procédures d’immatriculation complexes, réseaux d’affaires masculins et manque d’incubation spécialisée sur les filières industrielles.

Des initiatives encourageantes mais dispersées

Depuis 2020, plusieurs programmes visent à corriger ces déséquilibres :

  • WIC Capital, un fonds d’investissement ouest-africain dédié aux PME dirigées par des femmes, actif en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Bénin ;
  • She Is The Code et Empow’Her, deux structures d’incubation et d’accompagnement genre-sensibles, qui ciblent la professionnalisation des entrepreneures ;
  • Le programme “Femmes et Accès aux Marchés Publics”, initié par l’ARMP, visant à augmenter la part des femmes dans les appels d’offres étatiques.

Ces initiatives commencent à faire émerger des profils plus structurés dans l’agro-transformation, le e-commerce, la formation, l’événementiel ou la mode locale, mais restent encore minoritaires face à l’ampleur des défis.

Le vrai défi : changer d’échelle, pas nécessairement de secteur

Il est tentant de pousser les femmes vers des filières industrielles ou technologiques. Mais en réalité, la priorité est d’aider les activités existantes à croître, se professionnaliser, s’automatiser partiellement, accéder à de nouveaux canaux de distribution ou à la commande publique.

Ce passage de la subsistance à l’entrepreneuriat formel et rentable suppose :

  • Un accompagnement sur la gestion, les marges et les prix,
  • Un accès au crédit adapté à leur profil réel (petit ticket, court terme, sans garantie foncière),
  • Des formations sectorielles, mais surtout commerciales et numériques

Le tissu entrepreneurial féminin ivoirien ne manque pas de volume, ni de volonté. Ce qu’il lui faut désormais, c’est des outils pour stabiliser et développer ce qui existe, avant d’envisager une réorientation sectorielle.

Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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