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Economie

Microfinance dans l’UMOA : entre collecte record et fragilité du crédit au 1er trimestre 2025

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Au premier trimestre 2025, les systèmes financiers décentralisés (SFD) de l’UMOA ont enregistré une progression soutenue de l’épargne (+8,7 % en un an), contrastant avec une baisse des crédits octroyés (-2,2 %) et une dégradation du portefeuille. La dynamique d’intermédiation se poursuit, mais les défis liés à la gestion du risque de crédit s’intensifient.

Un réseau stable au service de près de 20 millions de clients

À fin mars 2025, le nombre d’institutions de microfinance agréées dans l’UMOA s’élève à 533, identique à l’année précédente. Ces structures desservent 19,7 millions de clients, contre 18,4 millions un an plus tôt, soit une hausse de 6,9 % de la clientèle. Le réseau physique a toutefois légèrement diminué, passant de 4 962 à 4 807 points de service sur la période (-3,1 %).

L’épargne poursuit sa progression, tirée par les dépôts à vue

Les dépôts collectés culminent à 2 560,9 milliards FCFA. C’est une hausse annuelle de 8,7 %. Cette performance s’inscrit dans une dynamique de confiance accrue des déposants à l’égard des SFD, particulièrement dans des contextes d’irrégularité bancaire. Le montant moyen épargné par client progresse de 1,7 % pour s’établir à près de 130 000 FCFA, confirmant une tendance à la hausse régulière de l’épargne individuelle.

L’analyse de la structure des dépôts montre une nette prédominance des dépôts à vue, qui représentent près de six dépôts sur dix, tandis que les dépôts à terme demeurent minoritaires. En matière de profil d’épargnant, les hommes concentrent près de la moitié des ressources collectées, loin devant les groupements et les femmes, qui représentent respectivement 26,4 % et 27,2 % de l’épargne.

Contraction du crédit et fragilisation du portefeuille

En glissement annuel, l’encours global des crédits accuse une baisse de 2,2 %, reflet d’une frilosité croissante dans l’octroi de prêts ou d’une prudence renforcée face à la montée des risques. Le montant moyen de crédit par client recule dans le même temps pour s’établir à 133 322 FCFA, contre 136 266 FCFA en mars 2024. Ce repli se manifeste dans la plupart des pays de l’Union, à l’exception notable du Sénégal et de la Guinée-Bissau.

La structure des prêts reste dominée par les concours à court terme, qui constituent toujours près de la moitié de l’encours global. Du côté de la répartition par genre, la clientèle masculine capte 51,7 % des crédits octroyés, contre 28,7 % pour les groupements et 19,6 % pour les femmes, dans une configuration assez stable.

Mais au-delà de la baisse des volumes, c’est surtout la qualité du portefeuille qui suscite l’inquiétude. Le taux brut de dégradation atteint 9,8 % à fin mars 2025, contre 7,6 % un an auparavant. Ce niveau, qui excède largement le seuil réglementaire de 3 %, traduit une progression des créances en souffrance (+8 % sur un an), alors même que le crédit diminue. Ce déséquilibre reflète un durcissement des conditions de remboursement dans plusieurs pays, sur fond de pressions économiques et de fragilité des emprunteurs.

Une gouvernance encore sous tension dans certains pays

La surveillance prudentielle reste un point d’attention, avec dix SFD toujours placés sous administration provisoire à fin mars 2025, contre neuf un an plus tôt. Le Bénin reste le pays le plus concerné, avec quatre structures sous gestion spéciale, tandis que les autres cas se répartissent entre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Togo. Ce chiffre témoigne d’une vigilance maintenue des autorités de régulation, mais aussi d’un besoin persistant d’amélioration de la gouvernance dans certaines institutions, notamment en matière de transparence, de recouvrement et de gestion du risque.

Une croissance à consolider dans un contexte de vulnérabilité accrue

Malgré une progression constante de l’épargne et un ancrage renforcé auprès des populations, le secteur de la microfinance dans l’UMOA entre dans une phase plus complexe. La baisse du crédit, combinée à une dégradation nette du portefeuille, pose un défi stratégique aux SFD comme aux autorités de supervision. Si la demande reste forte, la solidité du modèle passe désormais par un recentrage sur la qualité plutôt que sur la simple croissance des volumes. À l’heure où les incertitudes économiques se multiplient, le maintien de la confiance dans le secteur dépendra avant tout de sa capacité à renforcer ses fondamentaux et à maîtriser ses risques.

Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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