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Décryptage

Commerce Côte d’Ivoire – États-Unis : entre dépendance structurelle et choc tarifaire

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Photo de Chanaka: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/lot-de-conteneurs-de-fret-906494/

Avec l’entrée en vigueur, le 9 avril 2025, de droits de douane américains de 21 % sur les produits ivoiriens, les flux commerciaux entre Abidjan et Washington entrent dans une zone de turbulence. Le solde commercial, passé de +314 à +19 milliards FCFA en deux ans, révèle un déséquilibre profond dans la nature des échanges.

Le 2 avril 2025, Donald Trump annonçait un train de mesures tarifaires à l’encontre de 51 pays africains, dont la Côte d’Ivoire. En cause : des droits jugés excessifs à l’importation sur les produits américains, estimés à 41 % en moyenne. Résultat : à compter du 9 avril, les exportations ivoiriennes vers les États-Unis seront soumises à un droit de douane réciproque de 21 %.

Cette mesure intervient dans un contexte de recul progressif des échanges commerciaux entre les deux pays, notamment du côté ivoirien. Selon les données officielles, les exportations ivoiriennes vers les États-Unis sont passées de 688 milliards FCFA en 2021 à 465 milliards en 2023, soit une chute de 32,4 % en deux ans.

La structure des exportations ivoiriennes vers les États-Unis est fortement concentrée. En 2023, plus de 90 % des ventes portaient sur trois produits :

  • Cacao et ses préparations (410 Mds FCFA)
  • Caoutchouc naturel (102 Mds FCFA)
  • Fruits tropicaux (29 Mds FCFA)

En parallèle, les importations de biens américains vers la Côte d’Ivoire ont augmenté, passant de 374 milliards FCFA en 2021 à 446 milliards en 2023 (+19 %).

Il s’agit essentiellement de :

  • Combustibles minéraux et huiles (268 Mds FCFA)
  • Machines et équipements industriels (50 Mds FCFA)
  • Véhicules et matières plastiques

Ces postes illustrent une forte dépendance technologique, notamment dans les secteurs agricole, extractif et manufacturier. Une augmentation des droits de douane américains pourrait mécaniquement entraîner une réaction ivoirienne, renchérissant les coûts pour les entreprises locales.

Ce croisement de courbes a eu un effet mécanique : le solde commercial, encore excédentaire de +314 milliards FCFA en 2021, n’était plus que de +19 milliards en 2023.

Trois facteurs expliquent cette évolution :

  • La baisse des exportations agricoles, notamment du cacao transformé, due à une moindre demande et à la pression sur les prix
  • Le maintien, voire la hausse des importations stratégiques en énergie (268 Mds FCFA de carburants raffinés importés en 2023), machines, plastiques et véhicules
  • La faible valeur ajoutée locale sur les produits exportés, qui rend la Côte d’Ivoire dépendante de volumes massifs et de conditions tarifaires favorables

Si le commerce bilatéral est globalement équilibré en valeur, il est déséquilibré en nature :

  • Ce que la Côte d’Ivoire vend : cacao, caoutchouc, fruits tropicaux
  • Ce qu’elle achète : carburants, machines, pièces industrielles

La taxe américaine de 21 %, en s’appliquant aux produits ivoiriens, pourrait faire perdre encore plus de parts de marché aux opérateurs ivoiriens. Elle tombe d’autant plus mal que la Côte d’Ivoire cherche à valoriser localement sa production agricole.

Face à ce choc commercial, les leviers sont limités mais clairs :

  • Diversifier les débouchés vers l’Europe, l’Asie ou la ZLECAF
  • Accélérer la transformation locale pour augmenter la valeur unitaire exportée
  • Engager une renégociation tarifaire ciblée avec Washington ou via des blocs commerciaux (AGOA, CEDEAO)

Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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