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Moratoire sur la dette africaine : les marchés financiers mettent la pression

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C’est au motif que le moratoire sur la dette des pays les plus pauvres, confrontés aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, enclenché par la Banque mondiale avec le soutien du G20 et des Nations unies, risque d’augmenter des pertes pour les créanciers privés que l’agence de notation Moody’s a pris la décision de dégrader la note souveraine de cinq pays. Il s’agit de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Cameroun mais aussi de l’Éthiopie et du Pakistan. Ces États avaient reçu l’aval des bailleurs internationaux pour suspendre temporairement le paiement de leur dette de cette année aux membres du Club de Paris ainsi que par une poignée de créanciers émergents (Chine, Inde, Arabie saoudite, Turquie, Afrique du Sud) puis de rembourser cet argent sur une période de quatre ans. Aucune dette n’a été annulée. Il faut savoir que, en cas de dégradation de leur note, ces pays devront payer plus cher pour emprunter.

La Banque mondiale a estimé que jusqu’à 11,5 milliards de dollars de remboursements pourraient être reportés cette année si les 73 pays éligibles participaient à l’initiative. À ce jour, cependant, seuls 42 ont demandé un allégement, selon le G20, et 18 ont signé des accords avec le Club de Paris.

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La pression des marchés

Le département des affaires économiques et sociales des Nations unies a aussitôt contesté la position de Moody’s rapporte le Financial Times. Pour les analystes des Nations unies, le programme « devrait améliorer la soutenabilité de la dette des pays et ne devrait donc pas servir de base à des dégradations de crédit ». Ce même département a ajouté que « les pays emprunteurs devraient sortir du programme avec un crédit plus fort que s’ils n’y avaient pas participé ».

Il faut souligner que les États, en particulier ceux du continent, ont toujours eu à l’esprit cette possibilité de voir leur note dégradée à la suite des négociations. D’où la méfiance de certains gouvernements qui ne veulent pas être stigmatisés. En effet, les risques sont énormes lorsqu’un État négocie avec des prêteurs privés, avertit l’agence de notation américaine. Si un pays veut souscrire au moratoire, mais qu’il est dans une situation déjà fragile et endetté auprès du secteur privé, alors la question du risque de défaut se pose avec acuité. Moody’s avait dès l’annonce du moratoire publié une note dans laquelle elle avertit que « l’allègement de la dette bénéficiera aux pays à bas revenu, mais soulève la possibilité d’un défaut de paiement vis-à-vis du secteur privé ».

D’où la lenteur ou des vifs débats dans certains pays qui ne se sont toujours pas manifestés alors qu’ils en auraient bien besoin. Nombreux sont ceux qui courent un risque élevé de surrendement. La Banque mondiale cite des pays comme le Ghana ou le Kenya. Et il faut agir vite, car certains États, comme le Soudan du Sud ou la Somalie, sont déjà en détresse.

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L’appel lancé aux créanciers privés

L’autre levier : c’est l’appel aux créanciers privés. Le G20 a lancé un appel afin qu’ils participent à hauteurs comparables. « Je suis déçu du peu de progrès enregistré à ce jour alors que nous sommes plongés dans une crise mondiale et j’exhorte les créanciers commerciaux à former une coalition qui aidera à suspendre véritablement le service de la dette par les pays les plus pauvres », a manifesté le président de la Banque mondiale, David Malpass, samedi. Il plaide depuis le début pour que les pays du G20 repoussent « l’échéance de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI) jusqu’en fin 2021 [au lieu de fin 2020, tel que prévu actuellement] ». Même son de cloche pour la France, membre du Club de Paris. « La crise économique perdurera en 2021 partout dans le monde. La France appelle les pays du G20 à prolonger le moratoire sur le service de la dette pour donner aux pays les plus pauvres les moyens de la surmonter », a déclaré le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire, dans une déclaration écrite la semaine dernière.

L’ONG One, qui demande également au G20 de prolonger l’accord de suspension sur la dette, souhaite que le groupe appelle en outre « les institutions multilatérales et les créanciers privés à soutenir un moratoire sur le remboursement de la dette ».

One dénonce en particulier l’attitude de la Banque mondiale : depuis le début de la crise sanitaire, les pays les plus pauvres lui ont remboursé « six fois plus que ce qu’ils ont reçu en aide d’urgence de sa part », selon un rapport de l’ONG publié vendredi dernier. « L’incapacité de la Banque mondiale à soutenir un moratoire sur la dette multilatérale […] a entraîné une réponse plus lente » à la pandémie, a commenté dans un communiqué Najat Vallaud-Belkacem, directrice France de One.

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Moody’s persiste et signe

Réponse de Moody’s à travers Matt Robinson, responsable de l’équipe Moyen-Orient et Afrique du groupe de risque souverain : « Il ne serait pas approprié, dans ce contexte, d’attribuer la perspective stable habituelle à la notation », a-t-il dit à nos confrères du Financial Times. « Nous devons reconnaître qu’il existe un risque », a-t-il insisté. « Le FMI et la Banque mondiale sont dans une position très influente, [capables] d’exercer des pressions sur les souverains pour qu’ils mettent en œuvre des mesures qui pourraient à terme être négatives en termes de crédit pour le secteur privé. »

Dans des notes séparées concernant chaque pays Moody’s a été clair, bien que certains gouvernements, comme ceux du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire, se sont engagés à rembourser les créanciers privés plutôt que de leur demander de renégocier, pour l’agence ces promesses sont en contradiction avec l’appel du G20 pour que les prêteurs du secteur privé « participent à termes comparables ». « La période d’examen permettra à Moody’s d’évaluer comment la tension apparente sera résolue entre la volonté du gouvernement de ne pas étendre la participation à l’Initiative de suspension du service de la dette au-delà de créanciers du secteur public et l’appel du G20 à la participation des prêteurs du secteur privé. Il évaluera si la participation du Sénégal à cette initiative sera effectivement mise en œuvre sans la participation du secteur privé et, dans le cas contraire, quelle note inférieure serait cohérente avec les pertes attendues », écrivent les experts de Moody’s pour le pays d’Afrique de l’Ouest encore loin d’être sorti de la crise sanitaire et économique.

Moody’s peut-il aller au bout de son raisonnement ? Pour l’instant, aucune des deux plus importantes agences, c’est-à-dire Fitch et S & P Global, n’ont mis un pays sous surveillance en raison de leur participation au moratoire sur la dette.

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Source : African Media Agency (AMA)

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Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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