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African Media Agency (AMA)

Moratoire sur la dette : les créanciers peuvent-ils encore plus ?

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C’est une comparaison osée qui ne plaira pas à tout le monde : Ken Ofori-Atta, le ministre ghanéen des Finances, en première ligne sur les questions de négociation de la dette africaine, a mis les pieds dans le plat en plaçant sur le même plan l’étranglement subi par l’Afro-Américain George Floyd aux règles fixées par les principaux créanciers du continent en ces temps de crise sanitaire. « Les pays occidentaux peuvent imprimer 8 000 milliards de dollars pour soutenir leurs économies en ces temps extraordinaires », tandis que les Africains sont jugés « selon les anciennes règles », a-t-il déclaré au cours d’une conférence virtuelle organisée début juin par l’université de Harvard. Et le ministre d’ajouter : « On a vraiment envie de crier : Je ne peux plus respirer  !  »

Pour le ministre ghanéen, ces derniers mots prononcés par l’homme de 46 ans mort le 25 mai sous le genou du policier Dereck Chauvin font écho à la situation économique de l’Afrique sous Covid-19 : avec d’un côté des répercussions sur les populations avec un risque pour beaucoup de tomber dans l’extrême pauvreté. Et de l’autre les pressions pour que les pays africains respectent leurs engagements afin de rembourser leur dette estimée à 365 milliards de dollars.

Son message a-t-il été entendu ? Une chose est sûre, les principaux créanciers des pays les plus pauvres ont appelé mercredi 8 juillet à faire davantage pour alléger le fardeau de leur dette et exhorté la Chine à participer pleinement à l’exercice, lors d’une conférence ministérielle de haut niveau.

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Augmenter la résilience

Ouvrant les débats, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a félicité les pays membres du Club de Paris ainsi que des pays non-membres déjà associés en avril à un moratoire sur la dette jusqu’à la fin de l’année, et les a appelés à « aller plus loin » en étendant ce moratoire ou en envisageant des restructurations de dette au cas par cas, dans un cadre multilatéral. Il a rappelé aux plus de vingt ministres présents et aux représentants de trente-neuf États invités par le Forum de Paris, qui regroupe pays créanciers et débiteurs, et le G20, que les pays les plus pauvres avaient vu les investisseurs se détourner massivement.

C’est pourquoi « certains instruments du Fonds monétaire international (FMI) ne sont probablement pas pleinement adaptés à cette crise unique. Nous avons aussi besoin d’instruments pour aider au retour des investisseurs et à l’accès aux marchés » financiers, selon le ministre français. « Nous devons trouver des moyens d’augmenter la résilience et de réduire la dépendance de certains pays aux financements extérieurs », a poursuivi Bruno Le Maire, qui craint une perte de souveraineté et des crises politiques. « Cette crise menace les objectifs de développement durable que nous avions fixés pour 2030 », a-t-il souligné, ajoutant que « l’Afrique ne peut attendre ».

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Situation d’urgence signalée

En effet, pour le ministre Ofori-Atta, un ancien banquier d’investissement chez Morgan Stanley à New York, il y a urgence à agir. Il demande une suspension de trois ans des paiements de prêt. Pour son pays, les impacts de la crise sanitaire sont déjà très importants. Le déficit budgétaire du Ghana pour 2020 va augmenter de plus du double de la limite légale en raison de l’impact du coronavirus sur l’économie, annulant des années de discipline budgétaire qui était censée marquer la fin de la dépendance du pays aux aides financières d’urgence. L’écart budgétaire devrait se creuser au-delà de 10 % du produit intérieur brut par rapport à une perspective ajustée de 7,8 % en mars, a déclaré le ministre des Finances Ken Ofori-Atta dans une interview à Accra, la capitale.

Avant le début de la pandémie mondiale, le Ghana s’attendait à un déficit de 4,7 %, conformément à la législation adoptée il y a deux ans selon laquelle le déficit ne devrait pas dépasser 5 %. « Nous nous attendions à une croissance du PIB de 6,8 % et nous réalisons maintenant qu’il va y avoir une forte baisse », a ajouté le ministre. En avril, le FMI a approuvé un décaissement d’environ un milliard de dollars pour aider le Ghana à répondre aux « besoins urgents en matière de finances publiques et de balance des paiements » auxquels le pays est confronté. Le Ghana a confirmé plus de 20 000 cas et 122 décès depuis sa première détection du virus le 12 mars.

Incontournable Chine

Le moratoire sur la dette consentie en avril concerne potentiellement 73 pays débiteurs, dont 38 en Afrique. « Nous avons déjà 41 pays qui ont formulé une demande au niveau du G20 », tandis que le Club de Paris « a reçu 34 demandes et a mis en œuvre près de 20 accords », a indiqué un responsable ministériel français.

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Visant la Chine, le président de la Banque mondiale David Malpass a insisté sur la nécessité de « ne pas réduire le champ de la dette éligible dans le cadre de l’initiative du G20. Elle devrait inclure tous les prêts publics de long terme ainsi que les prêts garantis par l’État », y compris ceux des sociétés étatiques. « La participation de la China Development Bank en tant que créancier bilatéral officiel est importante pour que l’initiative fonctionne, surtout étant donné qu’elle joue un rôle si important en matière d’aide au développement en Afrique », selon le président de la Banque mondiale.

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Situation difficile pour les « émergents »

Si les pays émergents dans leur ensemble ont pu émettre 124 milliards de dollars d’obligations au premier semestre, dont les deux tiers depuis le mois d’avril, pour ceux « avec des fondamentaux faibles, des niveaux de dette très élevés, les économies dépendant du tourisme ou celles fragilisées par des conflits, il n’y a pas de bonne nouvelle », a regretté la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva. Car « ils n’ont pas accès » aux marchés ou aux financements, ou alors « pas à un coût raisonnable », a-t-elle expliqué.

Pour tenter de rétablir leurs sources de financement, le Forum de Paris et les pays du G20, dont les ministres des Finances doivent se réunir de nouveau le 18 juillet, veulent notamment mettre en place « des garanties partielles sur les dettes souveraines, afin de renforcer la confiance des investisseurs et d’ancrer les taux des obligations à un niveau soutenable », selon un document diffusé par Bercy.

Ne pas oublier le secteur privé africain

Ils mettent aussi l’accent sur la nécessité d’un soutien au secteur privé africain, et en particulier à ses PME. Selon Bruno Le Maire, parmi les hypothèses les plus plausibles sur les étapes futures, « le président de la République envisage qu’il puisse y avoir d’ici la fin 2020, en fonction de la situation économique, une extension du moratoire de la dette, voire une restructuration pour certains pays », mais précise-t-il dans un entretien à l’AFP « ça sera au cas par cas dans un cadre multilatéral, ce n’est pas la France qui va porter ça toute seule, le coût financier serait totalement excessif ».

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Source : African Media Agency (AMA)

Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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