Portée par les exportations pétrolières et une bonne campagne agricole, l’économie nigérienne a progressé de 8,4 % en 2024. Pourtant, la crise du secteur bancaire, la faiblesse des recettes publiques et la vulnérabilité de l’économie soulignent la fragilité de ce rebond.
Le Niger a connu en 2024 une croissance exceptionnelle de 8,4 %, après un faible 2 % en 2023. Ce rebond est attribué au lancement des exportations pétrolières à grande échelle et à une saison agricole favorable. Mais derrière ces chiffres flatteurs, les fondamentaux économiques restent fragiles, selon la dernière Note économique pays de la Banque mondiale.
La consommation publique s’est contractée de 0,3 %, conséquence directe de la chute des recettes, tandis que l’investissement privé a poursuivi sa baisse, affecté par l’incertitude politique et une raréfaction du crédit bancaire. En parallèle, l’inflation s’est accélérée, atteignant 9,1 %, avec un pic à 15,5 % en juin, sous l’effet de la flambée des prix alimentaires, aggravée par un déficit céréalier et la fermeture de la frontière avec le Bénin.
Si la croissance a permis une réduction du taux d’extrême pauvreté à 45,3 %, soit une baisse de 2,5 points, les inégalités persistent entre zones urbaines (10,1 %) et rurales (52,2 %). Et en octobre, 1,5 million de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire sévère.
Le tableau bancaire est particulièrement préoccupant : le ratio de solvabilité du système est tombé à 9,8 % en août 2024, sous le seuil réglementaire de la BCEAO (11,5 %). Les actifs liquides des banques ont chuté de 62 %, provoquant une contraction massive du crédit — les prêts au secteur privé ont reculé de plus de 80 %, entraînant une baisse de 60 % de la création d’emplois formels.
Sur le plan budgétaire, le déficit s’est creusé à 4,3 % du PIB. Les recettes publiques ont atteint seulement 9,3 % du PIB, bien en deçà des 14,4 % prévus, plombées par la chute des taxes commerciales et des dons extérieurs (1,5 % du PIB contre 6,3 % en moyenne). Le gouvernement n’a pu exécuter que la moitié des investissements programmés, pénalisé par des taux d’intérêt très élevés sur le marché régional.
Cette détérioration a conduit le FMI et la Banque mondiale à abaisser la note de viabilité de la dette du Niger à un niveau de risque élevé de surendettement. « Malgré la croissance, les moteurs de l’économie nigérienne restent étroits et soumis à des chocs répétés », souligne Han Fraeters, représentant de la Banque mondiale au Niger.
Les perspectives pour 2025 restent incertaines. La croissance devrait ralentir (mais rester au-dessus de 6 %) sous l’effet de base, tandis que l’inflation pourrait se modérer avec une nouvelle bonne campagne agricole. Toutefois, les tensions persistantes avec le Bénin, les risques sécuritaires, les incertitudes sur les cours mondiaux du pétrole et la fragilité bancaire menacent cette trajectoire.
« Une amélioration des liquidités bancaires et un désendettement progressif de l’État pourraient relancer le crédit privé », estime Danon Gnezale, co-auteur du rapport. Le rapport insiste aussi sur l’urgence d’investir dans la transformation du système agroalimentaire pour bâtir une croissance plus résiliente et inclusive.