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African Media Agency (AMA)

Éthiopie : le meurtre d’un chanteur vedette réveille les tensions ethniques

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L’Éthiopie est présentée comme un pays prometteur économiquement, mais les tensions ethniques pourraient avoir raison de l’optimisme affiché pour ce pays qui vit une transition politique délicate menée par son Premier ministre, le Prix Nobel 2019 de la paix Abiy Ahmed. En cet après-midi, comme depuis plusieurs jours, Firaol Ajema et ses amis se sont réunis à Legetafo, près d’Addis-Abeba, pour écouter ensemble les chansons de Hachalu Hundessa, chanteur vedette éthiopien récemment assassiné. Tous ont revêtu des tee-shirts noirs ornés du portrait du chanteur et du slogan « Je suis aussi Hachalu » pour célébrer la mémoire de la vedette dont le meurtre, non élucidé, a provoqué une flambée de violence qui a fait plus de cent morts. Un nombre indéterminé de ces victimes a été tué par les forces de sécurité et d’autres l’ont été dans des affrontements entre membres de diverses communautés.

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Des membres de la communauté oromo prient pour la mémoire de Hachalu Hundessa à Minneapolis le 4 juillet. 
© Brandon Bell / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Le fédéralisme ethnique mis à l’épreuve

Des violences qui mettent en lumière les tensions ethniques grandissantes en Éthiopie. Depuis son accession au pouvoir, Abiy Ahmed s’est efforcé de réformer un système jusque-là très autoritaire. Mais, ce faisant, il a ouvert la porte aux violences intercommunautaires qui mettent à l’épreuve le système éthiopien de fédéralisme ethnique. « Nous n’avons pas pu porter le deuil comme nous l’aurions voulu », explique Firaol, un étudiant. « Le meurtre (d’Hachalu) nous a profondément attristés, mais la manière dont le gouvernement l’a géré a empiré les choses », approuve un de ses amis, Birhanu Gadis. « C’est totalement inacceptable. »

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Chanteur, Hachalu Hundessa était aussi et surtout l’une des voix oromo les plus écoutées. Ici, un Oromo brandit leur drapeau symbole.
© Brandon Bell / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

La question oromo comme la braise sous la cendre

Bien qu’apprécié d’Éthiopiens d’origines diverses, Hachalu Hundessa a surtout été le porte-voix des Oromos, qui avaient dénoncé leur marginalisation économique et politique lors des manifestations antigouvernementales ayant débouché en 2018 sur l’arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed, un membre de cette communauté. Ses textes très politiques exprimaient les frustrations de ce groupe ethnique, le plus important par le nombre, mais qui s’est longtemps estimé marginalisé économiquement et politiquement. Aujourd’hui, de nombreux nationalistes oromo se sentent trahis par le Premier ministre, qu’ils accusent de ne pas faire suffisamment pour défendre les intérêts de sa communauté, et d’avoir laissé les forces de sécurité ouvrir le feu sur les manifestants, à Addis-Abeba et en région Oromia, le plus large des États fédérés éthiopiens, qui enserre la capitale.

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Des membres de la communauté oromo à Minneapolis célèbrent le chanteur Hachalu Hundessa. 
© Brandon Bell / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Addis-Abeba comme lieu d’inhumation du chanteur Hachalu, l’autre enjeu

Car Addis-Abeba, que les Oromos appellent Finfinne, du nom du territoire de la ville avant sa création à la fin du XIXe siècle par l’empereur Menelik II, est bien au coeur de la crise actuelle : située en territoire oromo, elle dispose d’un statut spécial, et les Oromos estiment en avoir été déplacés au fil de l’histoire. C’est d’ailleurs un plan du gouvernement fédéral prévoyant l’extension de la capitale vers l’Oromia qui avait déclenché, en 2015, les manifestations antigouvernementales.

Cette semaine, c’est le désir des nationalistes oromo de voir Hachalu être inhumé à Addis-Abeba, et non dans sa ville natale d’Ambo, à 100 km à l’ouest de la capitale, qui a mis le feu aux poudres. « Hachalu devait être enterré à Addis-Abeba. Finfinne appartient au peuple oromo », martèle Firaol. Selon les autorités fédérales, des nationalistes oromo comptant dans leurs rangs un populaire dirigeant d’opposition, Jawar Mohammed, ont intercepté mardi la dépouille d’Hachalu entre Addis-Abeba, où le chanteur a été assassiné, et Ambo, où il devait être inhumé, pour la ramener dans la capitale, provoquant un affrontement avec la police et l’arrestation de Jawar Mohammed, qui a encore aggravé les tensions. Et jeudi, lors des funérailles à Ambo, des soldats ont ouvert le feu sur un groupe voulant assister aux obsèques, faisant deux morts.

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La statue de Menelik II comme pomme de discorde

Le mois dernier, Hachalu avait appelé au retrait de la statue proéminente de l’empereur Menelik II, dans le quartier de Piasa de la capitale, désormais sous protection policière. Si Menelik est respecté par beaucoup comme le fondateur de l’Éthiopie moderne, c’est de son règne que les nationalistes oromo datent le début de la marginalisation qu’ils dénoncent. Pour Firaol, la mort d’Hachalu d’un côté, la protection policière autour de la statue de Menelik de l’autre témoignent des priorités que se fixe le gouvernement. « Alors qu’ils auraient dû protéger Hachalu, ils protégeaient une statue. Hachalu n’était pas qu’un individu, il était comme les yeux du peuple oromo. Maintenant, ils nous ont aveuglés ».

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Source : African Media Agency (AMA)

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Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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