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Côte d’Ivoire : Transformation économique en demi-teinte malgré une croissance résiliente

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Le rapport 2024 de la Banque Africaine de Développement montre que la Côte d’Ivoire affiche une croissance stable, mais peine à moderniser son économie. L’enjeu : transformer une agriculture encore dominante tout en accélérant la transition vers l’industrie et les services formels. Les réformes structurelles semblent indispensables pour soutenir une véritable transformation.

Avec une croissance économique projetée à 7 % sur les deux prochaines années, la Côte d’Ivoire semble afficher une performance solide. Cependant, derrière ces chiffres prometteurs, le dernier rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD) révèle un bilan contrasté de la transformation structurelle du pays, freinée par plusieurs obstacles majeurs.

Une agriculture encore dominante, une industrialisation lente
Bien que la Côte d’Ivoire ait diversifié son économie depuis les années 1960, l’agriculture reste encore trop dominante. En 2021, 45 % de la population active travaillait encore dans ce secteur, contre une part de valeur ajoutée de seulement 17,5 % du PIB. Les progrès vers une transformation agricole sont insuffisants. La faible mécanisation, la sous-utilisation d’intrants de qualité et les faibles taux de transformation locale des matières premières agricoles freinent le développement de chaînes de valeur plus compétitives. Par exemple, seulement 33 % des fèves de cacao et 22 % des noix de cajou sont transformées localement, ce qui prive le pays de l’ajout de valeur essentiel pour stimuler son secteur industriel.

Services en croissance, mais industrialisation en retrait
Le rapport met en lumière que les emplois quittant le secteur agricole se déplacent principalement vers les services, souvent informels, au lieu de l’industrie. Les services représentent désormais plus de 50 % des emplois, mais ils sont dominés par l’informel, avec plus de 88,4 % des travailleurs, une situation qui limite fortement la productivité globale du pays. Quant au secteur industriel, il stagne, n’ayant augmenté que faiblement en termes de part d’emploi, et souffre d’une faible intégration dans les chaînes de valeur internationales.

L’industrialisation, traditionnellement associée à la transformation structurelle rapide, est freinée par un manque d’investissements dans la recherche et le développement (seulement 0,1 % du PIB), ainsi que par une faible innovation. Le secteur industriel ivoirien peine à se moderniser et reste en deçà de son potentiel en matière de création d’emplois formels.

Un financement insuffisant pour soutenir la transformation
Le rapport de la BAD évalue à 4,7 milliards de dollars par an les besoins de financement nécessaires jusqu’en 2030 pour accélérer la transformation structurelle. Ce montant représente environ 5,5 % du PIB du pays, une somme importante qui témoigne des défis à relever. Le crédit à l’économie reste faible, ne représentant que 21,1 % du PIB en 2021, bien en dessous de la moyenne africaine de 26,7 %. Les secteurs clés pour la transformation, comme l’industrie manufacturière et l’agriculture, ne reçoivent pas encore les financements adéquats pour leur développement.

Une résilience économique à souligner malgré les freins
Malgré ces défis, la Côte d’Ivoire a montré une résilience notable face aux chocs extérieurs. Le pays a su résister aux impacts de la pandémie de Covid-19, contrairement à de nombreux autres pays de l’Afrique de l’Ouest. Le taux de croissance moyen du PIB réel, bien que modeste à 3,1 % par an entre 1980 et 2019, a permis à l’économie ivoirienne de rester sur une trajectoire ascendante. Cependant, sur cette même période, la croissance moyenne du PIB par habitant est restée négative (-0,05 %), traduisant une absence de gains pour les populations, notamment en raison d’une démographie galopante et d’un taux de dépendance élevé.

Des perspectives de croissance, mais des risques à surveiller
Les perspectives économiques pour 2024-2025 sont encourageantes avec une croissance stimulée par l’agriculture vivrière, le secteur pétrolier, et les services, notamment les télécommunications. La BAD prévoit une inflation maîtrisée à 3 % d’ici 2025, respectant ainsi les objectifs de l’UEMOA. Toutefois, des risques demeurent, notamment l’insécurité dans le nord du pays, le changement climatique, et les tensions sur les marchés financiers internationaux, autant de facteurs susceptibles de ralentir la transformation.


Pour que la Côte d’Ivoire puisse pleinement réaliser son potentiel, des réformes structurelles sont indispensables. Le rapport de la BAD recommande de renforcer la gouvernance, de développer le capital humain, et d’améliorer les infrastructures de base pour soutenir l’investissement. La promotion des chaînes de valeur agricoles et le soutien au secteur industriel doivent être des priorités pour engager le pays dans une transformation plus rapide. En parallèle, l’intégration au marché international, via des initiatives telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), pourrait offrir de nouvelles opportunités pour stimuler l’industrialisation du pays.

La transformation économique de la Côte d’Ivoire est en cours, mais à un rythme trop lent pour permettre au pays de capitaliser pleinement sur sa croissance économique. Les autorités doivent désormais accélérer la mise en œuvre des réformes afin de bâtir une économie plus résiliente et plus inclusive pour l’avenir.

Lynn-karelle
Expert Etude Sectorielle
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